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Violette, vieille malgré elle

Dernière mise à jour : 26 juil. 2021

Violette est née à Paris de parents réfugiés espagnols. Professeure de français au collège, en "zone d’éducation prioritaire" (ex-réseau d’éducation prioritaire), elle fait ses adieux à l’Education nationale après 40 ans et quelques de bons et loyaux services. Aujourd’hui à la retraite, Violette partage ses questionnements, entre coup de blues lié à l’entrée dans la vieillesse… et espoir de renouveau.

Violette © katerina zekopoulos

Est-ce que tu te reconnais dans ce mot de "vieille" ?


Oui mais depuis peu de temps. Je ne me reconnaissais pas dans ce mot à 69 ans et à 70 ans et un jour, j’ai commencé à m’y reconnaître. Les 70 ans ont vraiment été une frontière pour moi : je suis passée de "jeune" à "vieille". Jusqu’à 69 ans et trois quarts, je ne me sentais pas vieille ! Je n’y pensais pas. D’un seul coup, cet âge m’a fait un choc et les événements se sont enchaînés pour m’enchaîner à cette situation de vieille.


L’année de mes 70 ans, j’ai fait une chute qui m’a privée de ma mobilité pendant deux mois. Puis le Covid est arrivé. Ces trois événements m’ont un peu désarçonnée. Ils ont mis un coup d’arrêt à la vie que je menais. Depuis, j’ai l’impression d’être entrée dans la vieillesse avec toutes ses limitations, ses empêchements. Le fait de ne pas pouvoir marcher d’un seul coup m’a mis les yeux en face des trous ! Si j’avais tendance à ne pas vouloir voir, ça m’a montré. Ça m’a montré que j’avais l’âge que j’avais.


J’ai eu le Covid l’année dernière, cette maladie dont tout le monde parle ! J'ai eu la chance de ne pas avoir de symptômes graves mais ça m’a beaucoup fatiguée. Depuis ça n’arrête pas : les piscines sont fermées, les cinémas aussi… bref tout ce que j’aimais bien faire, je ne peux plus le faire. S’est ajouté à ça le discours médiatique et le fait qu’on n’arrête pas de parler des personnes âgées. On n’arrête pas de te dire que tu es "vieux" ! C’est difficile de ne pas y être sensible. Le fait que je sois célibataire n’aide pas non plus.


Quel est ton âge ressenti ?


Il y a deux ou trois ans, j’aurais plutôt dit 15 ans. J’étais libre, je me sentais une nouvelle adolescence. Aujourd’hui il n’y a plus de différence entre mon âge ressenti et mon âge chronologique, donc je peux dire 72 ans.


En réalité, j’ai toujours vécu dans un grand décalage. J’ai eu une adolescence très longue, qui a commencé tard, à partir de 30 ans et jusqu’à 69 ans. C’est-à-dire que je ne me suis jamais sentie vraiment installée dans quelque chose. Je me sentais en mouvement. Il y avait toujours un futur devant. Et puis la possibilité de changer. Dans la trentaine c’était plutôt l’adolescente mal dans sa peau et à la retraite, une adolescence telle que je ne l’avais finalement jamais vécue : pleine de légèreté, d’activités, de rigolades entre amis…


Tout ça s’est arrêté. Je ne vois presque plus mes amis de longue date. Sauf quelques personnes célibataires, et encore. Les gens se sont repliés sur leur famille et on le comprend. La vie familiale est devenue beaucoup plus importante pendant cette période qui a suivi le début de la pandémie. Pour ceux comme moi qui ne vivent pas de cette manière, la solitude se fait plus sentir. Je ne veux pas tout mettre sur le dos du Covid mais c’est une période particulière.


Qu’est-ce qui pour toi se dégrade, s’améliore ou se maintient avec le temps ?


Les problèmes de santé te tombent plus ou moins dessus quand tu vieillis. Il y a des choses qui t’échappent. Le corps change, on ressent plus de fatigue, d’usure. Sauf cas exceptionnels ! Pour moi qui ai des difficultés avec les articulations, je ressens cette usure de manière concrète, matérielle. Et puis en vieillissant, on réalise qu’on est mortel. Alors que quand tu es jeune, tu peux avoir le sentiment que si tu manges bien, que tu fais du sport etc., tout ira bien.

Je me sens beaucoup plus libre maintenant que quand j'étais plus jeune !

Souvent je disais à ma mère que la mort n’est pas une question d’âge. C’est vrai mais quand on arrive à 72 ans, on voit bien qu’on est mortelle ! Ça m’a donné envie de me mettre à la méditation. J’ai espoir que ça m’aide à vieillir sans trop déprimer. Ça fait partie d’un cheminement : il y a un travail sur soi qui me paraît pour moi indispensable. Malgré tout ce n’est pas rigolo de vieillir donc je conçois ce travail sur soi comme quelque chose qui peut m’aider. Comme une gymnastique du mental.


Cela dit, ce n’est pas la peine de trop s’attarder sur ce qui se dégrade. Avec le temps, il y a ce qu’on gagne en liberté d’esprit. On peut continuer d’apprendre, de connaître, de rencontrer des gens… C’est très positif et c’est aussi lié à l’âge ! Au fil du temps, j’ai une espèce d’acquis. C’est comme une richesse qui s’accumule. Je me sens beaucoup plus libre maintenant que quand j’étais plus jeune. Je choisis mon emploi du temps, mes activités, mes relations… Le relationnel aussi s’améliore ! Je suis beaucoup plus ouverte aux autres. Je les accepte plus comme ils sont.

Qu’est-ce qui t’anime aujourd’hui ?


L’amour que j’ai pour les gens : pour ma fille, mes amis… L’amour au sens large. C’est ce qui me donne envie de vivre. J’ai encore ma mère, qui va sur ses 95 ans. Je passe du temps auprès d’elle. Même si ce n’est pas toujours facile au niveau relationnel, elle m’anime aussi, quelque part.


Une journée où je n’ai pas vu quelqu’un que j’aime bien, c’est une très mauvaise journée. Il faut que je voie des gens que j’aime presque tous les jours ! J’ai besoin de ça pour vivre : c’est comme l’oxygène. Je ne vais pas me contenter du téléphone ou des textos. Au bout d’un moment, j’ai besoin de les voir !


Ce qui m’anime aussi, c’est de faire des choses. C’est une des raisons qui me rendent un peu morose en ce moment. J’adore faire des randonnées avec un groupe d’amis. On est comme des ados quand on se retrouve et pourtant on n'est que des vieux ! Ce sont des moments très joyeux donc ça me rend triste de ne plus pouvoir le faire. Sans ces moments, la vie est moins drôle.


Est-ce qu’il y a un mot, une expression qui t’agace quand on en vient à parler de l'âge ou de la vieillesse ?


Ce n’est pas un mot mais plutôt une attitude. Vieillir n’est pas rigolo mais j’aime beaucoup les gens avec qui je peux rire de tout ça. Si on ne peut pas rire de ses bobos, ce n’est pas la peine. Bien sûr je parle ici des petits bobos, pas de choses graves. Certaines personnes parlent de leurs soucis de santé comme si c’était la chose la plus importante du monde. Personnellement, je trouve ça ennuyeux. Rigoler de soi fait beaucoup de bien.


Propos recueillis le 04 Avril 2021.

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1 Comment


anne zavan
anne zavan
Apr 19, 2021

Merci pour cet article qui me parle bien car il reflète la complexité de vieillir. Ce n'est pas rigolo mais on peut le réenchanter en prenant du plaisir à slalomer entre les bosses et le blues, en essayant de les éviter et de les dépasser dans les airs. Les reportages avec des personnes âgées hyper-performantes, tout sourire Gibbs, m'agacent, comme une injonction à réussir. Tout autant, je me détache des personnes qui vieillissent en s'identifiant à leurs bobos et à leurs petits soucis. J'ai remarqué des gens bien plus gravement malades ou englués dans des épreuves qui ne demandent qu'à voir autre chose et à rire et qui me donnent finalement la pêche. Je pense qu'ils se sont détachés d…

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